- APÔTRES ET APOSTOLAT
- APÔTRES ET APOSTOLATL’apostolat est l’activité qu’exercent les chrétiens à la suite de Jésus-Christ, Envoyé du Père – en vertu de la mission donnée par lui à son Église – en mettant en œuvre les énergies qu’il leur communique dans les domaines et pour les fins pour lesquels il est venu lui-même sur terre.Selon la révélation judéo-chrétienne, Dieu a un dessein sur le monde, qu’il poursuit dans l’histoire des hommes dont il fait une histoire du salut. Après avoir envoyé des prophètes et parlé par eux, il a envoyé son fils ou Verbe: Jésus-Christ est l’envoyé définitif du Père pour le salut des hommes (du monde). Mais lui-même, devant être assumé dans la gloire du Père et voulant communiquer la connaissance du vrai Dieu et la qualité de fils de Dieu par grâce aux hommes de tous les pays et de tous les temps, a choisi parmi ses disciples douze hommes qui ont reçu le nom d’apôtres: 見神礼靖精礼凞礼﨟, mot grec, du verbe 見神礼靖精﨎凞凞﨎晴益, qui existait dans le grec classique, mais plutôt avec le sens d’expédition (d’une flotte), assez rarement avec celui d’envoyé tel qu’il relève du vocabulaire chrétien. Ce titre a-t-il été donné aux Douze par Jésus lui-même? Si on le prend au sens déterminé où l’utilisent les Actes et les épîtres pauliniennes, il est plus probable que les Douze ont été désignés comme «les apôtres» par la communauté chrétienne primitive, mais ils l’ont été parce qu’ils avaient été envoyés par Jésus (mission de Galilée).L’idée d’envoyé, exprimée dans le mot araméen šaliah , était connue dans le judaïsme: l’envoyé représente la personne de son maître et il jouit de son autorité dans le cadre de sa mission. C’est un plénipotentiaire. Bien que certains textes évangéliques se rapprochent de cette idée (Luc, X, 16; Jean, XIII, 16; XV, 20 sq.; XVII, 6 sq.), on ne saurait l’identifier avec celle de l’apôtre, qui n’est pas, comme elle, limitée à une mission précise. Deux conditions font l’apôtre au sens strict: avoir vu le Christ ressuscité et être son témoin ; avoir reçu du Seigneur la mission de répandre l’Évangile, avec les dons spirituels et la puissance afférents à cette mission. C’est pourquoi les cinq cents frères qui ont joui d’une vision du Christ ressuscité (I Cor., XV, 6) ne sont pas pour autant apôtres, tandis que Paul l’est, bien qu’il n’ait pas connu le Christ selon la chair. Ajoutons que le Nouveau Testament connaît une acception plus large du mot apôtre (Rom., XVI, 7; II Cor., VIII, 23; Phil., II, 25), mais ce mot n’a alors que sa valeur sémantique d’envoyé, sans le contenu décisif d’une autorité reçue du Christ et affectée d’un caractère d’immédiateté concernant la fondation de l’Église.1. Les Douze et la «succession apostolique»Les Douze (auxquels sont ensuite assimilés Paul et Jacques, «le frère du Seigneur») ont été l’origine, à la fois, du nouveau peuple de Dieu et des ministères hiérarchiques devant organiser ce peuple. Leur chiffre de douze se réfère aux douze tribus d’Israël et donc au nouveau peuple dont ils sont comme les cellules germinatives. Mais ils reçoivent immédiatement du Christ une mission et une autorité qui, tout en leur étant propres, doivent durer jusqu’à la fin des temps (Matth., XXVIII, 18-20). C’est pourquoi les Églises de tradition catholique tiennent: 1. que la mission et les pouvoirs qui lui correspondent n’ont pas été donnés indistinctement à la communauté des disciples, mais ont fait l’objet d’un mandat particulier donné aux apôtres, sans préjudice d’une mission générale qui est, pour tout disciple, la responsabilité du don de la foi qu’il a reçu; 2. qu’il existe une succession des apôtres dans le collège des évêques (dont le pape est le chef): non certes une succession dans la fonction de témoins oculaires du Christ ressuscité, ni dans la mission, transitoire par nature, de fonder l’Église, avec les charismes afférents à cette mission, tels que l’inspiration et l’infaillibilité personnelle, mais une succession dans l’autorité pastorale, dans la fonction de chefs d’Église; ce pour quoi les apôtres ont, de leur vivant, institué des aides et prévu que ceux-ci institueraient d’autres ministres après eux (Actes, XIV, 23; II Tim., I, 6; II, 2; Clément, Première Épître aux Corinthiens , XLII). Mais les Églises de tradition protestante tiennent que la communauté des fidèles a hérité de la mission, qu’elle en est tout entière chargée et qu’elle désigne les ministres sans que ceux-ci jouissent d’une «succession apostolique» particulière.Le type des douze apôtres (plus Paul et Jacques, «frère du Seigneur», s’il n’a pas été des Douze) a laissé de multiples traces dans l’art, les coutumes et l’histoire. Leur fête était chômée; leurs reliques ont fait l’objet de pèlerinages (Rome, Compostelle). Les «Églises apostoliques» ont été à l’origine des patriarcats (Rome, Alexandrie, Antioche, Jérusalem, puis Constantinople); Pierre fonde la primauté de l’Église romaine.2. L’apostolat dans l’Église chrétienneLe vocabulaire est significatif. Jusqu’à l’époque moderne, le substantif «apostolat» et l’adjectif «apostolique» ont gardé une référence aux (douze) apôtres: «(votre, notre) Apostolat» était un titre donné aux évêques (jusqu’au VIIIe siècle en Occident), puis pratiquement réservé au pape; «Apostolique» de même. De plus, le mot a été très usité depuis saint Augustin pour désigner la manière de vivre des apôtres, vita apostolica ou vie commune et pauvre; il a même désigné, aux XIIe et XIIIe siècles, des sectes qui faisaient profession de mener une telle vie. Depuis le Symbole dont le concile de Chalcédoine (451) attribuait le texte au concile de Constantinople (381), «apostolique» est un des attributs de l’Église dans le Symbole. En ce sens dogmatique, le mot exprime l’identité de l’Église à travers le temps quant à ses principes essentiels, soit de doctrine, soit de culte, soit d’organisation hiérarchique. Ces principes proviennent des apôtres. S’agissant de la suite des évêques sur le même siège et dans le même office, on parle de succession apostolique, qui implique en premier lieu l’identité de la même foi. Comme Rome est le seul siège apostolique en Occident et qu’elle est le siège de Pierre, premier des apôtres, le titre de «siège apostolique» est, depuis le VIIIe siècle, réservé à celui de Rome en Occident; son titulaire a souvent reçu le nom de «(Seigneur) Apostolique».À partir du XVIIe siècle, les mots «apostolat, apostolique» ont été employés dans un sens plus large pour évoquer l’activité de ceux que l’Église envoie prêcher l’Évangile et les vertus ou dispositions qui font le missionnaire. On parle de zèle apostolique, on dit d’un fidèle animé par ce zèle qu’il est un véritable apôtre. Depuis le XIXe siècle au moins, on parle d’apostolat pour désigner l’ensemble des activités par lesquelles on vise à étendre le règne de Dieu et l’influence salutaire de l’Évangile. C’est à peu près ainsi que l’a défini Pie XII (discours des 8 déc. 1947, 25 janv. 1950, 14 oct. 1951), ou plus largement encore Karl Rahner: l’ensemble des actions exerçant une influence légitime sur autrui en vue de son salut. Les documents officiels de la hiérarchie catholique parlent couramment d’apostolat en ce sens large, et même, surtout depuis Pie XI, d’apostolat des laïcs. Le décret du IIe concile du Vatican sur l’apostolat des laïcs (Apostolicam actuositatem , 18 nov. 1965 [Ap. Act. ]) identifie formellement mission et apostolat, et définit celui-ci: toute activité du Corps mystique qui tend à étendre le règne du Christ à toute la terre, à faire participer les hommes à la rédemption et au salut, à ordonner en vérité le monde entier au Christ.L’inflation verbale de l’époque moderne a fait que, seul le vocabulaire religieux gardant une certaine force et un certain prestige, on lui a emprunté souvent ses expressions en les prenant indûment en un sens analogique excessivement large. On parle du sacerdoce du médecin, d’une maladie qui est un vrai calvaire, etc.; et de même d’un «apôtre du sport», d’un «apôtre de la prophylaxie»; sur un mur de l’hôtellerie de la Sainte-Baume (Var), on lit une inscription à la mémoire de N..., «apôtre du cyclotourisme». On dit d’un propagandiste zélé et désintéressé que son activité est pour lui «un véritable apostolat»... Il y a là un hommage rendu à l’apostolat, mais aussi un abus, qu’il convient de dénoncer.3. Nature de l’apostolatL’apostolat est autre chose qu’une propagande et plus encore que la publicité. La propagande vise seulement à répandre des idées, à gagner des adhérents; pour cela, elle emploie des moyens d’efficacité plus ou moins mécaniques, plus ou moins massifs, comportant des éléments de pression, de conditionnement psychologique. La propagande considère le résultat matériel, chiffrable. Quand elle s’exerce ainsi dans le domaine religieux et surtout dans un climat de gains numériques ou d’accroissements confessionnels, on parle de «prosélytisme». Mais le concept de prosélytisme est ambigu. Il n’était pas péjoratif au début du XIXe siècle. Bientôt cependant il a pris une nuance dépréciative et polémique. Très significatif est à cet égard le titre d’un ouvrage de G. Perrone, daté de 1862, L’Apostolato cattolico e il proselitismo protestante, ossia l’opera di Dio e l’opera dell’uomo . De nos jours, en particulier dans l’usage du Conseil œcuménique des Églises, «prosélytisme» est franchement péjoratif. C’est l’usage qui le veut ainsi. À le considérer en lui-même, prosélytisme pourrait se rapprocher d’apostolat qui, lui, reste pur. L’apostolat a cependant aussi ses dangers dans la mesure, précisément, où il s’apparente au prosélytisme.L’objet et la sourceOn définira positivement l’apostolat par son objet, par son origine ou sa source, enfin par sa forme et sa loi interne.Il s’agit toujours, de façon plus ou moins immédiate, du bien total et absolu de la personne humaine et de l’humanité, puisqu’il s’agit toujours, de façon plus ou moins immédiate, de l’accomplissement par l’homme de sa destinée dernière et totale, de son «avenir absolu» en Jésus-Christ. Il faut cependant noter deux points. D’abord, il y a les moyens de l’apostolat; il y a même les moyens du salut: celui-ci se poursuit dans une Église qui a ses organisations, ses traditions, sa vie historique, ses ressources matérielles, etc. Ensuite, l’apostolat, étant co-extensif et pratiquement identique à la mission de l’Église, comporte, comme celle-ci, deux domaines: non seulement convertir les hommes à la foi et les faire entrer dans le peuple de Dieu-Corps mystique du Christ (c’est l’objet premier et principal); mais, en second lieu, influer sur le temporel en cela même où il reste temporel et Monde (non Église), de façon qu’il soit plus conforme à Dieu, qu’il reflète mieux le visage de celui-ci tel qu’il s’est manifesté en Jésus-Christ, qu’ainsi il réalise mieux sa propre nature profonde et qu’enfin il rende gloire à Dieu. C’est ce qu’on appelle parfois la «consécration du monde» (Pie XII; Vatican II), qu’il ne faut pas concevoir comme une sacralisation de type ecclésiastique ou liturgique, mais comme la réalisation de la volonté de Dieu dans les structures du monde demeurant profanes, laïques, autonomes dans leur vérité séculière ou mondaine (car Dieu les a voulues telles). Texte classique: «Tout restaurer dans le Christ. Restaurer dans le Christ non seulement ce qui incombe directement à l’Église en vertu de sa divine mission qui est de conduire les âmes à Dieu, mais encore ce qui découle spontanément de cette divine mission, la civilisation chrétienne dans l’ensemble de tous et de chacun des éléments qui la constituent.» (Pie X, encyclique Certum propositum du 11 juin 1905; cf. Ap. Act. , nos 6 et 7).Bien que l’apostolat vise des résultats, sa loi n’est pas celle de la rentabilité. Il vise à changer quelque chose dans la vie des hommes, mais pas de façon mécanique: il s’adresse à leur liberté. Et, surtout, il est déterminé de façon décisive par la source qui suscite son dynamisme. On a montré (A. Nygren) que l’agapê , ou charité, est un amour qui se pose par lui-même et qui rayonne parce que, étant amour, il veut donner : il n’est pas captatif, il ne cherche pas à gagner quelque chose, il donne, parce qu’il aime. La mission et l’apostolat viennent de cette source-là. Ils découlent de l’envoi de Jésus-Christ et de son Saint-Esprit (Pentecôte) par le Père, qui est le Principe sans principe (cf. Vatican II, décret Ad gentes sur les missions, nos 2-5). L’apostolat procède de l’amour que Dieu a pour les hommes et pour leur salut, par une sorte de cascade qui descend du Père au Fils et à l’Esprit, d’eux aux apôtres et des apôtres à l’Église de tous les temps (cf. Jean, XVII, 17-19; XX, 19 s.; I Jean, I, 1-3; Clément, Première Epître aux Corinthiens , XCII, 1-2; Tertullien, Prescr ., XXI, 4; XXXVII).Forme et loi interne de l’apostolatL’apôtre n’est pas un propagandiste: il est le lien vivant entre le Dieu vivant et saint et les hommes. Il doit réaliser une certaine qualité de vie. Toutes les fonctions sacrées les requièrent, mais pas avec la même rigueur d’exigence. Thomas d’Aquin note que les apôtres ont fait administrer le baptême par d’autres tandis qu’ils se sont réservé l’acte de la parole. C’est que, dit-il, la prédication engage beaucoup et suppose plus de dons et de dispositions personnels que la célébration des sacrements. Or la parole est, tôt ou tard, le moyen privilégié de l’apostolat. Si la source de l’apostolat est en Dieu, l’apôtre doit être ductile à l’action de Dieu, de sa grâce. Il y a toute une déontologie ou, si l’on veut, une spiritualité de l’apostolat: primauté de l’union à Dieu et d’une intention théologale. Si le chrétien cherche Dieu, Dieu lui donnera son action, c’est-à-dire une participation à sa propre action salvatrice. C’est pourquoi les instituts contemplatifs sont profondément apostoliques (Pie XII). La loi de l’apostolat est de s’offrir soi-même à Dieu dans le sentiment de sa propre faiblesse, sans autosuffisance ni autoconfiance, et de chercher son appui dans la force de Dieu (cf. II Cor., XII, 9; Col., I, 24). Certes, l’apostolat a aussi ses organisations et ses moyens humains, parfois même il en met en œuvre de puissants: locaux, presse et publications, radio et télévision, congrès, écoles de formation, enquêtes, etc. On peut calculer ce que coûte par an la formation d’un missionnaire. Pourtant, tout cela n’est que le corps de l’apostolat ou son conditionnement; il n’y a apostolat que si Dieu opère par sa grâce .4. Les formes de l’apostolatOn peut distinguer les formes de l’apostolat selon le sujet actif, le mode, le destinataire.Le sujet actifDeux distinctions principales s’imposent à ce niveau: clergé et fidèles; apostolat individuel et collectif.Dans une Église de type catholique, sacramentellement et hiérarchiquement structurée, la distinction entre clergé et fidèles n’est pas purement pratique. Les clercs ordonnés (sacrement de l’Ordre) sont dans une position de chefs; ils ont la charge de l’apostolat par un office et un mandat. Cela vaut, par institution divine, du collège des évêques, dont le pape est le chef comme successeur de Pierre. Mais le collège épiscopal s’adjoint des coopérateurs, prêtres et diacres. L’apostolat de la hiérarchie s’organise selon deux registres ou structures: structures territoriales (paroisses et diocèses), structures supra-territoriales, qui peuvent suivre soit les espaces culturels, soit les espaces sociologiques (par exemple le monde des travailleurs, ou celui des gens de la mer), soit les grands besoins généraux (apostolat de l’intelligence). Les ordres religieux et les congrégations missionnaires masculins et féminins, dans lesquels se trouve institutionnalisée la vocation propre d’un fondateur, répondent particulièrement bien aux besoins d’un apostolat supraterritorial.L’apostolat des laïcs a toujours existé dans l’Église: saint Paul mentionne souvent des fidèles, mariés ou non, hommes ou femmes, comme ses collaborateurs dans l’Évangile (cf. Phil., IV, 3; Rom., XVI, 3-7). Un devoir général d’apostolat, comportant un droit correspondant (Ap. Act. , nos 3, 4; 25, 1), se fonde sur la qualité chrétienne comme telle de tout baptisé (baptême et confirmation). Il est, en effet, comme tel, devenu membre du Christ, voué à suivre celui-ci dans sa forme de vie et d’activité, et membre du peuple de Dieu, peuple consacré et témoin de Dieu dans le monde. La foi, l’espérance et la charité, puis les dons spirituels personnels vouent le chrétien à rayonner, à communiquer la vie qui est en lui: il en est responsable, il en est redevable aux autres. De là résulte un devoir général d’apostolat, que précisent pour chacun ses dons, les possibilités et les occasions qui lui offrent sa vie. L’apostolat est coextensif à l’existence chrétienne. Souvent d’ailleurs les fidèles éprouvent le besoin de se concerter et de se grouper librement pour se soutenir mutuellement et être plus efficaces. Il arrive que de tels groupements, suffisamment larges et structurés, soient reconnus officiellement par la hiérarchie comme organismes apostoliques, et assumés par elle comme collaborateurs en l’exécution de sa propre tâche d’apostolat. C’est ce qu’on appelle généralement l’Action catholique, bien que ce nom ne soit pas reçu partout avec la même faveur ni même exactement dans le même sens. Cette reconnaissance officielle, qui entraîne évidemment un certain contrôle et une certaine direction, s’exprime par ce qu’on appelle, d’une façon médiocrement heureuse, «le mandat». L’Action catholique n’est ni une machine de guerre ni une nouvelle forme de cléricalisme: elle est simplement une organisation de l’apostolat des laïcs en tant que, dépassant l’initiative personnelle, il est reconnu et assumé par l’Église hiérarchique. Elle n’absorbe pas, il s’en faut de beaucoup, la totalité de l’apostolat des laïcs.À l’égard de la distinction entre clergé et simples fidèles, les religieux non prêtres et les religieuses se trouvent dans une situation particulière et comme intermédiaire puisqu’ils sont canoniquement des laïcs, tout en ne l’étant cependant pas au point de vue psychologique et sociologique, non plus qu’au point de vue fonctionnel.Il faut aussi distinguer apostolat individuel et apostolat collectif. En profondeur, l’apostolat est lié à des personnes. Il peut être collectif en deux sens: soit quand les personnes s’appuient sur des groupes, des organisations ou des structures, soit quand l’action vise à atteindre des groupes ou des milieux comme tels pour les faire évoluer ou agir dans un sens chrétien et favorable aux démarches personnelles de la foi. Par exemple, on peut saisir l’occasion d’une grève, d’un vaste mouvement revendicatif dans le monde ouvrier pour qu’y soit exprimée et active une présence chrétienne, soit d’idées et d’action, soit caritative, par laquelle s’opère une action sur le milieu et la masse comme tels. Une telle action peut être menée par une organisation d’apostolat. On parle quelquefois en ce sens d’évangélisation collective.Le modeOn peut distinguer d’abord un apostolat direct et un apostolat indirect selon que l’action entreprise et l’influence exercée, de par leur nature et leur contenu, conduisent immédiatement ou non à la conversion, à des démarches de foi. Une annonce du salut, une prédication de Jésus-Christ sauveur, un conseil concluant à une démarche religieuse, sont des actes d’apostolat direct. Un témoignage de charité sans parole expresse sur Jésus-Christ, une influence visant à assainir un milieu de vie, à mieux orienter la législation, à rendre la pression sociale plus favorable au christianisme, ou même à créer une vie culturelle plus saine ou plus spirituelle, constituent des activités d’apostolat indirect. À cet égard, on a de mieux en mieux compris l’influence souvent décisive du «milieu». C’est l’ensemble d’idées, de façons d’apprécier la vie, de coutumes et de comportements qui détermine assez profondément nos attitudes et même nos possibilités de croire et de pratiquer une religion déterminée. L’Action catholique, surtout sous sa forme «spécialisée» (prenant en compte différents «milieux de vie»), vise en grande partie à rendre ainsi la pression sociale plus favorable ou moins défavorable. De par la nature des choses, l’apostolat direct s’exerce volontiers, dans des structures déterminées par l’Église, l’apostolat indirect dans les structures du monde: professionnelles, syndicales, municipales, politiques, voire internationales.Au point de vue de ses formes on distingue ensuite l’apostolat de la vie et l’apostolat de la parole . L’apostolat de la vie peut être tout intérieur: prière et sacrifice de purs contemplatifs, de malades, d’individus sans notoriété ni relations sociales. Si l’apostolat est radicalement participation à la mission rédemptrice de Jésus-Christ, il existe radicalement dans une âme, même sans action extérieure, qui vit spirituellement avec intensité cette participation. L’exemple de Thérèse de Lisieux, déclarée trente ans après sa mort patronne de toutes les missions catholiques, est assez éloquent à cet égard. L’apostolat de la vie agit humainement par l’exemple. Rien n’est plus efficace car, comme le dit Grégoire Palamas, «toute parole conteste une autre parole, mais quelle est la parole qui peut contester la vie?». Plus d’une conversion a été due à l’exemple de vies et de comportements vraiment chrétiens (histoire de saint Pacôme, par exemple). Ce témoignage de la vie est particulièrement puissant quand il vient de communautés tels que groupes de foyers chrétiens, communautés religieuses (Taizé, par exemple), etc. Une des formes privilégiées du témoignage de la vie est l’action caritative authentique, pure de prosélytisme: la «diaconie» au nom de Jésus-Christ et par amour pour lui, même si l’on ne prononce jamais son nom. Mais finalement, de même que les faits dans et par lesquels Dieu s’est révélé doivent être éclairés par quelque parole, l’apostolat de l’exemple ou témoignage de la vie doit, d’une manière ou d’une autre, révéler son sens par une parole. Cela ne signifie pas nécessairement une parole immédiatement délivrée, et moins encore une prédication. La parole peut être donnée de plus loin et dans la généralité. Cependant la parole (parlée ou écrite) est l’instrument d’apostolat ou même l’acte apostolique par excellence. Elle comporte bien des modes et des variétés: kérygme ou première annonce de la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ, exhortation ou appel à la conversion, catéchèse ou enseignement doctrinal, apologétique, controverse, recherche intellectuelle, dialogue... Tous les moyens de communication sociale peuvent et doivent être utilisés. La prédication de la Parole de Dieu, malgré l’infirmité de celui qui en est le ministre, réalise d’une façon privilégiée le mystère de l’apostolat, la «suite du saint Évangile».Les destinatairesOn pourrait distinguer un apostolat missionnaire s’adressant aux hommes à convertir à la foi, et un apostolat pastoral s’adressant à des croyants qu’il faut éduquer et faire progresser dans la vie chrétienne. Mais il est souvent impossible de séparer ces deux formes d’apostolat, que souvent le même homme exerce ensemble. On pourrait même parler d’un apostolat œcuménique visant à amener tous les chrétiens à la communion de l’unique Église du Christ et des apôtres. Mais l’œcuménisme a ses données propres et il est une activité originale au service du dessein de salut de Dieu.L’apostolat lui-même demeure un à travers la variété des actions apostoliques et l’étendue de leur objet, qui englobe, au-delà des personnes, l’ordre social et la totalité de la vie humaine, sans cléricalisme ni tendance à la théocratie. C’est que la rédemption du Christ englobe tout cela et qu’elle est assez transcendante pour être pleinement immanente, sans faire violence ni à la liberté humaine ni à la nature propre des choses temporelles.
Encyclopédie Universelle. 2012.